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16. juil. 2016

En collaboration avec l’industrie, les propriétaires forestiers et les autorités, le Programme national de recherche "Ressource bois" vise à apporter des connaissances scientifiques et des solutions pratiques pour optimiser l’utilisation du bois.

Industrie chimique: du bois à la place du pétrole

(FNS) Deux projets du Programme national de recherche "Ressource bois" ont développé de nouveaux processus pour remplacer le pétrole par du bois dans la fabrication de substances chimiques de base. Ces précurseurs sont utilisés pour produire des médicaments, des matières plastiques ou encore des engrais.


Le pétrole est synonyme de carburant, mais pas seulement: les produits pétrochimiques constituent l’un des composants de base de l’industrie chimique. Sans lui, il n’y aurait pas de matières plastiques et peu de médicaments et d’engrais. Faire face à la diminution prévisible de la production de pétrole exige de trouver une autre ressource qui soit renouvelable.

Deux projets conduits dans le cadre du Programme national de recherche "Ressource bois" (PNR 66) ont réalisé des avancées significatives pour remplacer le pétrole par la biomasse provenant de végétaux, notamment du bois. Leurs objectifs sont complémentaires car chacun utilise l’un des deux principaux constituants du bois: la cellulose et la lignine. Ces derniers constituent les deux composés organiques les plus courants sur Terre, et sont renouvelables.

Sviatlana Siankevich de l’EPFL a conçu de nouveaux processus catalytiques pour transformer efficacement la cellulose en hydroxyméthylfurfural (HMF), un précurseur très important dans la fabrication de matières plastiques, d’engrais ou encore de biocarburants (*). Inspirée par des champignons participant à la décomposition du bois, l’équipe de Philippe Corvini à la FHNW de Muttenz (BL) a sélectionné des enzymes capables de couper la lignine en composés aromatiques utiles à la fabrication de solvants, de pesticides, de plastiques tels que les polystyrènes ainsi que de substances pharmaceutiques.

Des produits chimiques au lieu du papier
La cellulose est une longue chaîne de molécules de glucides (sucres) et représente environ deux tiers du poids du bois. "Elle est principalement utilisée pour la fabrication de papier, et les résidus pourraient être mieux valorisée en étant transformés en produits chimiques utiles", indique Sviatlana Siankevich de l’Institut des sciences et ingénierie chimiques de l’EPFL. Avec des collègues de l’Université Queen’s au Canada et de l’Université nationale de Singapour, l’équipe de l’EPFL menée par le chimiste Paul Dyson a synthétisé plusieurs variantes de liquides ioniques (des sels fondus) dans le but de convertir la cellulose en HMF, une molécule clé pour les produits chimiques de base. Leur réaction atteint en une seule étape un rendement de 62%, ce qui constitue un nouveau record.

"Notre procédure fonctionne en conditions douces, c’est-à-dire sans devoir appliquer des températures ou des pressions très élevées ou utiliser des acides puissants, précise Sviatlana Siankevich. Nous avons également pu réduire la quantité de sous-produits indésirables, un point important si la réaction doit être reproduite à une échelle industrielle. Notre processus peut fonctionner avec du bois, mais il est souvent plus aisé d’utiliser la cellulose extraite de plantes herbacées."

Une chimie plus verte
Au sein de la Haute école spécialisée de la Suisse du Nord-Ouest (FHNW) à Muttenz, Philippe Corvini et son doctorant Christoph Gasser ont développé des solutions pour utiliser la lignine, une longue molécule qui donne aux arbres leur rigidité et constitue entre 15% et 40% de la masse du bois. «Jusqu’à présent, la lignine était peu valorisée, et souvent simplement brûlée, indique Philippe Corvini. Mais elle peut être divisée en structures aromatiques (des molécules basées sur l’arrangement hexagonal omniprésent en chimie organique, ndlr). Ces composants représentent des volumes colossaux dans l’industrie chimique, et sont presque exclusivement obtenus à partir du pétrole. Aujourd’hui, la lignine représente l’alternative la plus sérieuse ».

Certains champignons sécrètent une combinaison d’enzymes qui dégrade la lignine et la fragmente en morceaux plus petits. Les chercheurs de la FHNW ont étudié les combinaisons d’une douzaine de ces enzymes afin de sélectionner la plus efficace (**). En ajoutant une étape catalytique supplémentaire, ils ont réussi à transformer 40% de la lignine en très petites molécules telles que la vanilline.

Le processus intéresse l’industrie chimique et une collaboration avec un fabricant de lignine est en cours. "Aujourd’hui, la lignine est majoritairement obtenue à partir de paille de blé ou de riz, indique Philippe Corvini. Mais le bois de résineux tel que l’épicéa pourrait se révéler utile car sa lignine se découpe facilement."

L’équipe de la FHNW a également développé une solution pour réutiliser les enzymes. "Nous les avons fixées sur des nanoparticules de fer revêtues de silice, poursuit le chercheur. Après la réaction, il nous suffit d’approcher un aimant pour attirer les particules et récupérer les enzymes". Ce procédé s’inscrit dans l’optique de la «chimie verte», car ces enzymes peuvent être réutilisées jusqu’à dix fois, ce qui réduit considérablement les besoins en énergie et en ressources nécessaires à leur production.

Utiliser le bois dans son intégralité
L’utilisation du bois doit être optimisée pour représenter une alternative aux produits pétrochimiques. "Extraire uniquement un composant du bois en petite quantité ne suffit pas, avance Sviatlana Siankevich. Il faut développer des processus complémentaires pour l’utiliser dans son intégralité." Mais d’autres aspects doivent être pris en compte pour déterminer si le bois peut être un substitut économiquement viable au pétrole. Une évaluation de la durabilité de la production d’acide succinique (autre produit chimique majeur) à partir de résidus de bois a récemment été réalisée dans le cadre d’un troisième projet du PNR 66 (***). L’étude de l’ETH Zurich et de

(*) S. Siankevich et al.: Direct conversion of mono- and polysaccharides into 5-hydroxymethylfurfural using ionic liquid mixtures. ChemSusChem (2016); doi: 10.1002/cssc.201600313

(**) C. Gasser and P. Corvini (soumis)

(***) M. Morales et al.: Sustainability Assessment of Succinic Acid Production Technologies from Biomass using Metabolic Engineering. Energy & Environmental Science (2016); doi: 10.1039/C6EE00634E

(La première publication est disponible sur demande: com@snf.ch)

Texte : Fonds national suisse (FNS)

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