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11. févr. 2020

Res Guggisberg, maître forestier du district: le réchauffement climatique impacte la forêt. Image : Energie-bois Suisse

Energie bois: Le réchauffement climatique impacte la forêt - rien ne restera comme avant

(Energie-bois) Nos forêts sont visiblement marquées par la sécheresse et la chaleur des années passées. Sur le Plateau suisse, les trois essences les plus importantes – le hêtre, l’épicéa et le sapin blanc – vont largement disparaître dans certaines régions au cours des prochaines décennies. Cette transformation induite par le changement climatique est inarrêtable : un appel à l’action pour propriétaires et gardes forestiers. (Text auf Deutsch >>)


Derrière nous, les portes du bus se ferment dans un bruit de glissement. Res Guggisberg, maître forestier du district et responsable de la région Pfannenstiel, nous attend à l’arrêt. C’est un expert forestier posé et expérimenté qui connaît la forêt comme le fond de sa poche. Une poignée de main robuste, puis il en arrive au fait: «Actuellement, la forêt change à un rythme que nous n’avons jamais vu jusqu’ici.» Effectivement, un coup d’œil à la forêt proche nous révèle plusieurs brèches et des conifères morts sur pied. Nous pénétrons dans la forêt et tombons bientôt sur une grande clairière. «Le bostryche a ravagé cette zone, nous avons donc dû procéder à une exploitation forcée de toute la surface», explique Guggisberg et ajoute: «Le propriétaire forestier, une corporation du bois, a dû vendre le bois d’ici à un prix qui couvre à peine les dépenses.»

Qu’allons-nous faire de ces surfaces ?
Qu’allons-nous faire de ces surfaces – tout de même grandes pour la Suisse – qui apparaissent comme un déboisement total? «Nous avons toujours misé sur le renouvellement naturel. Les arbres se multiplient naturellement, ce qui signifie qu’une forêt de hêtres, d’épicéas et de sapins produit logiquement de jeunes hêtres, épicéas et sapins. Or, suite au changement climatique, les trois essences les plus importantes chez nous vont largement disparaître au cours des prochaines décennies… c’est inimaginable! Mais nous n’aurons aucune alternative que de renouveler les forêts par des essences qui n’apparaissent guère ou pas du tout chez nous jusqu’à présent. L’effort est énorme et comporte certains risques. C’est pourquoi beaucoup de propriétaires forestiers n’en ont pas les moyens ou ne veulent pas investir.»

Reconstruire nos forêts
La perspective de devoir renoncer à la forêt telle que nous la connaissons suscite la crainte et l’inquiétude des propriétaires forestiers. En plus des trois essences les plus importantes, le frêne est affecté par une vaste épidémie de chalarose, et l’orme a pratiquement disparu. Personne ne saurait prévoir comment se développeront les variétés qui croissent bien jusqu’ici. «Nous allons être obligés de reconstruire nos forêts», explique Guggisberg. «Le chêne sessile, l’érable, le châtaignier, le noyer, ainsi que, pour les conifères, le mélèze et le sapin de Douglas vont créer une esthétique toute nouvelle. Certaines variétés exotiques les rejoindront peut-être.» Ce n’est pas forcément mauvais, mais une chance de créer une bonne biodiversité et d’établir un peuplement stable. La part de feuillus va très probablement augmenter; les scieries et l’industrie du bois toute entière devront suivre cette tendance. La proportion de bois-énergie continuera d’augmenter fortement, car les feuillus fournissent beaucoup plus de bois de qualité insuffisante pour la construction ou l’ameublement. Fort de son expérience de longue date, Guggisberg confirme le décalage de la demande en bois, observé ces dernières années. Le marché tend visiblement vers une hausse constante de la demande en bois-énergie. «Aujourd’hui, nous ne saurions plus nous passer du bois-énergie – que nous avons jadis simplement récolté comme un sous-produit – pour assurer une exploitation forestière adéquate.»

Investissement dans la production de pellets à partir de bois forestier
Exiger une utilisation plus matérielle du bois est apparemment naïf. En effet, il n’existe nulle part une demande croissante de bois de scierie, de traverses ferroviaires, de bois à papier ou à cellulose. En Suisse, la plupart des grands acheteurs de bois industriel ont disparu et ne sont pas près d’y retourner. «C’est une chance que chez nous, les grandes centrales de chauffage à plaquettes au sein de réseaux de chaleur sont toujours plus nombreux. Elles ont comblé le vide causé par la baisse de la demande. Les chauffages à pellets connaissent eux aussi une belle progression. Les propriétaires forestiers pourraient tirer parti d’un investissement dans la production de pellets à partir de bois forestier.» Plusieurs usines suisses produisent déjà des pellets directement à partir de bois de forêt, et leurs expériences sont prometteuses. «Qu’on le veuille ou non: d’un sous-produit, le bois-énergie est définitivement passé à un moteur de la gestion forestière. Je ne m’en plains pas, car il nous permet de remplacer des tonnes de mazout et de gaz naturel. Ainsi, notre bois-énergie est devenu un instrument important dans la lutte contre le réchauffement climatique qui affecte tout particulièrement le pays de montagne qu’est la Suisse», résume Res Guggisberg pour clore la discussion sur l’utilisation du bois.

Nous sommes revenus à l’arrêt de bus, qui est protégé par un abri légèrement délabré en métal nuisible au climat. La circulation est dense sur cette route principale. Un camion-citerne à mazout vrombit au passage. «Une fin de série», dit le maître forestier en riant. Il ne blague pas… et il a bien raison.

Texte : Christoph Rutschmann, Energie-bois Suisse

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