Les acheteurs ont repéré les numéros de certains lots et défini le prix qu’ils seront disposés à payer, unanimes sur la bonne qualité du bois offert. Maintenant, juste avant le coup d’envoi de la vente aux enchères, plus de 70 personnes intéressées ont rejoint cet endroit dans la forêt, traversé par une odeur de tabac. Les mains sont enfouies dans les poches, l’haleine se condense en nuages de vapeur: il neige légèrement, le sol est gelé, et on vient de se tonifier par un gloria. Le silence s’installe lorsque Stefan Haffter, président de la bourgeoisie de Weinfelden, souhaite brièvement la bienvenue aux participants et exprime son espoir d’obtenir de bons prix pour le bois. Certains commentent à voix haute et l’anticipation monte: ceux qui sont venus se connaissent et se demandent déjà qui payera quel prix pour les qualités et essences de bois offertes.
Une hausse de la demande et du prix en 2022
«Vais-je faire une bonne affaire?», se demanderont certains. Vu le nombre d’acheteurs potentiels, ce sera plutôt difficile. Il leur faut s’attendre à une hausse des prix par rapport à l’année précédente. En effet, la guerre en Ukraine et les pénuries de gaz et d’électricité, amplement discutées, ont fait grimper les prix et la demande en bois-énergie au cours de l’an dernier. Après présentation des conditions de la vente aux enchères, on passe aux choses sérieuses. Le garde forestier Hansruedi Gubler prend la parole. C’est lui qui va animer la vente aux enchères et tenter d’obtenir les meilleurs prix possibles. Il sera assisté par Felix Brenner, membre du conseil d’administration de la bourgeoisie, qui tient un registre minutieux des acheteurs et du prix payé pour chacun des lots.
Des petits et grands volumes
Une vente aux enchères de bois de chauffage attire les acheteurs les plus divers. Certains sont à la recherche d’un petit lot de bois coupé (entre 1 et 3 stères) pour la cheminée ou leur poêle suédois. D’autres qui revendent le bois s’intéressent aux plus grands volumes. Ils acquièrent la plus grande partie du bois-énergie sous forme de bois long, de grumes mesurant entre 4 et 6 mètres. Transformé en assortiments divers, ce bois est destiné aux clients finaux après le séchage, soit au bout d’un ou de deux ans. Les utilisateurs d’une cuisinière à bois ont besoin de bûches fines mesurant 25 centimètres. Pour les poêles suédois ou cheminées, il faut également des bûches assez fines, d’une longueur de 33 centimètres. Quant aux installations de plus grande taille, par exemple les poêles à accumulation ou chaudières à bois servant de chauffage central, elles consomment des bûches de 50 centimètres et, plus rarement, de 100 centimètres. Tous ces assortiments sont produits à partir des quartiers d’un mètre et naturellement aussi à partir des grumes.
Des relations personnelles nettement plus enrichissantes que le bois-énergie
Par rapport à l’année précédente, la bourgeoisie de Weinfelden a augmenté le prix de retrait, c’est-à-dire l’offre minimum, de 5 francs le stère pour 2023. Il se situe donc à 90 francs pour un fagot d’un stère de hêtre et à 85 francs pour le même volume de frêne. Le prix minimum des fagots de pin, proposés en petite quantité seulement, s’élève à 85 francs l’unité. Les grumes coûtent nettement moins cher, car leur transformation en bois de chauffage adapté au poêle exige plus de travail que celle des quartiers d’un mètre qui sont déjà mis à disposition par l’exploitation forestière. Ainsi, le prix de retrait des grumes est de 50 francs pour le hêtre et de 45 francs pour le frêne cette année.
180 et 250 francs pour un stère de bois de chauffage feuillu, livré franco
Une fois préparé et séché, un stère de bois de chauffage feuillu, livré franco dans la cour de la maison, coûte actuellement entre 180 et 250 francs. Si l’on tient compte des frais de transport, de transformation et de stockage, fixer le prix du produit fini séché en multipliant par deux le prix d’achat du bois de forêt frais est très modeste. En effet, les participants à la vente aux enchères confirment sur demande qu’ils ne cherchent pas à faire la meilleure affaire possible. Pour eux, le plaisir de manipuler le bois, l’expérience unique de la vente aux enchères, le travail gratifiant du fendage et la livraison à une clientèle satisfaite sont tout aussi importants. Le marché du bois de chauffage se joue essentiellement à un niveau local: fournisseurs et acheteurs se connaissent personnellement et beaucoup d’entre eux entretiennent des relations commerciales de longue date.
Tous les lots trouvent un acheteur
A présent, la vente aux enchères de Weinfelden se déroule coup sur coup: tous les 61 lots totalisant plus de 300 stères de bois trouvent un acheteur, par exemple le lot no 07812 : trois fagots d’un stère de bois de frêne. Ils sont plusieurs à vouloir acheter précisément ces trois stères: «Ils sont particulièrement bien faits et compacts», murmure un enchérisseur en levant la main. Les offres se bousculent, et enfin, Hansruedi Gubler crie: «Trois cent soixante: une fois, trois cent soixante: deux fois …», petite pause, «… et trois cent soixante: trois fois. Félicitations!». L’acheteur qui remporte la vente sourit avec satisfaction. «Trois stères de bois de frêne frais de forêt correspondent à environ 500 litres de mazout», explique-t-il avant d’ajouter: «360 francs, c’est une aubaine. On paie actuellement 600 francs la même quantité de mazout, voire 900 francs le gaz. Je ne calcule pas mon travail pour le fendage et le stockage: c’est mon hobby qui me permet de rester en forme. Par ailleurs, les piles de bûches me font une protection visuelle décorative dans le jardin. Quelle bonne affaire!»
Une demande réjouissante et un bon niveau des prix
Deux heures plus tard, tout le bois a été vendu. Hansruedi Gubler dresse un bilan satisfaisant: «Les ventes aux enchères réalisées dans d’autres communes nous ont laissé prévoir une demande réjouissante et un bon niveau des prix. Nous aurions pu proposer davantage de bois, mais un trop grand volume est plus difficile à vendre à un prix correct. L’expérience est importante, car elle nous permet d’offrir des quantités susceptibles de garantir une vente aux enchères intéressante.» Est-ce que la thématique des pénuries sur le marché énergétique, omniprésente dans les médias, a eu un impact sur la vente aux enchères? Gubler affirme sans hésiter: «Effectivement, le prix du fagot d’un stère de feuillu a connu une hausse d’environ 15% par rapport à l’année dernière, tandis que celui des grumes et des pins a très légèrement progressé. Ces derniers mois, nous avons d’ailleurs reçu nettement plus de demandes pour le bois de chauffage. Le rapport prix-demande est satisfaisant pour notre exploitation. J’espère que le bois de chauffage va rester un assortiment intéressant pour nous.» Quant aux acheteurs, ils semblent partager sa satisfaction. Après la vente aux enchères, on se retrouve autour d’un gloria dans la cour de l’exploitation forestière et on parle boutique: sur le bois de chauffage plus particulièrement et sur le monde en général. On est d’accord pour se retrouver à la prochaine vente aux enchères en 2024.
L’offre typique d’une vente aux enchères sur le Plateau
Le bois est proposé à l’état de forêt frais, c’est-à-dire non séché, en deux tailles: d’une part sous forme de fagots d’un stère (1 stère de quartiers d’1 mètre ligaturés) et d’autre part sous forme de grumes (4 à 6 mètres de long, écorce comprise).
Le hêtre et le frêne constituent la majeure partie de l’offre. La plupart des lots sont triés par espèce. Des essences telles que le bouleau (proposée parfois comme un assortiment particulièrement noble), l’érable, le cerisier et d’autres sont confectionnées sous formes de lots mélangés.
Le bois de résineux est assez rarement offert.
- Prix obtenu en 2023 pour un fagot d’1 stère: 115-125 francs/stère (le hêtre coûtant 10% de plus que le frêne, le pin environ 25% de moins)
- Prix obtenu en 2023 pour les grumes: 55-70 francs/stère (le hêtre coûtant un peu plus que le frêne)
- Contenu énergétique d’1 stère de bois de feuillu de forêt frais (teneur en eau w = env. 50%): env. 1700 kWh (= env. 170 litres de mazout)
- Contenu énergétique d’1 stère de bois de feuillu, séché à l’air (w = 15-20%): env. 2000 kWh (= env. 200 litres de mazout)
Texte et photos : Christoph Rutschmann sur mandat d’Energie-bois Suisse
