La forêt s'adapte constamment aux conditions environnementales changeantes et son état n'est jamais statique. Cette transformation, pas toujours visible pour les non-experts, est évaluée tous les dix ans. Le Rapport forestier 2015 qui en résulte est publié le 27 août 2015 par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) et par l'Institut de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) (voir encadré).
Le nouveau rapport forestier conclut que la forêt n'a été abîmée par aucun événement extraordinaire, en particulier par aucun ouragan depuis le rapport de 2005, et que la défoliation s'est stabilisée. La forêt est cependant marquée aussi par les incendies, les infestations de bostryches ou de nouvelles maladies fongiques, comme le flétrissement du frêne ou le brunissement des aiguilles de pins, ou par les attaques de capricorne asiatique. De plus, l'impact des plantes exotiques envahissantes va croissant, comme l'ailante globuleux pour ne citer que cette essence.
L'effet protecteur de la forêt s'est bien amélioré depuis 2005 en termes d'eaux souterraines ou de dangers naturels (avalanches, chutes de pierres ou laves torrentielles), car les forêts sont également devenues plus denses. Cependant, la régénération est encore insuffisante dans quelques régions et les dégâts aux jeunes arbres dus à l'abroutissement des cerfs et des chevreuils ont partout augmenté.
La biodiversité s'est améliorée ces dix dernières années en forêt alors qu'elle subit une pression de plus en plus forte dans d'autres milieux naturels. Ce qui s'explique grandement par une gestion proche de la nature. En effet, 90 % du rajeunissement forestier se fait naturellement, seuls 10 % sont des plantations. La forêt compte une proportion de feuillus plus importante qu'en 2005 et dans l'ensemble la diversité des structures et des essences s'est accrue. Ainsi, la moitié des réserves forestières prévues jusqu'en 2030 a été créée au cours des dix dernières années.
Les objectifs en matière de biodiversité en forêt ne sont toutefois pas encore atteints. Le Plateau compte encore très peu de forêts avec de vieux arbres et du bois mort, ainsi que très peu de forêts claires et de forêts alluviales.
La situation économique des entreprises forestières reste difficile. Les coûts de la gestion forestière n'ont pas pu être réduits dans la même proportion que la baisse des rendements du bois ces dernières années, pour une récolte à peu près égale. La priorité est donnée non seulement à l'amélioration des conditions du marché, mais aussi à la réduction des coûts et à la recherche d'autres sources de revenus.
De grands défis à venir
De grands défis se dessinent pour la forêt (voir fiche d'information). Par exemple, l'été chaud et sec de cette année a obligé à interdire les feux en forêt parce que le risque d'incendie est très élevé. De même, la coloration des feuilles déjà visible un peu partout est la conséquence du stress dû à la sécheresse. Pareils phénomènes risquent de se reproduire de plus en plus souvent en raison des changements climatiques. Comme leurs effets peuvent porter atteinte aux lents processus naturels en forêt, des mesures d'adaptation sont nécessaires, p. ex. rajeunissement ciblé des forêts protectrices et répartition des risques avec une palette d'essences d'arbres plus large. Le programme de recherche « Forêt et changements climatiques » de l'OFEV et du WSL, qui sera achevé en 2017, comblera les lacunes des connaissances et fournira des bases de recommandations.
La menace que constituent les organismes nuisibles dangereux pour la forêt prend de l'ampleur. Le commerce international a pour conséquence que des organismes nuisibles arrivent en Suisse par les principaux axes de transports, comme le capricorne asiatique qui est importé dans les emballages en bois des marchandises d'Extrême-Orient. Si l'on veut empêcher l'introduction de nouveaux organismes, il faut des contrôles plus stricts des marchandises et une meilleure information des importateurs et des commerçants. Toute infestation implique des mesures rapides de lutte et de confinement.
Les exigences de la société à l'égard de la forêt changent aussi. L'utilisation de la forêt pour les loisirs augmente surtout à proximité des villes, des agglomérations et des zones touristiques. D'où l'importance accrue que prennent la sécurité et la gestion. Pour satisfaire à ces exigences croissantes et parfois contradictoires, il faut miser sur une coordination conséquente dans la gestion forestière, en s'aidant par exemple du dialogue entre les utilisateurs, notamment les cavaliers et les cyclistes et les services forestiers locaux ou les propriétaires forestiers.
Tous les acteurs sont impliqués
Le rapport forestier confirme que les stratégies et les instruments fédéraux (Politique forestière 2020, révision de la loi sur les forêts, Stratégie Biodiversité Suisse, Politique de la ressource bois) sont indispensables pour relever les grands défis qui se dessinent. Il est clair également que cela nécessite des bases scientifiques actuelles et fondées pour mener à bien un monitoring efficace avec les outils techniques les plus modernes.
La forêt pourra maîtriser les menaces à venir si la Confédération, les cantons, les propriétaires forestiers, le secteur forestier et la recherche participent. La gestion forestière qui se caractérise par des périodes de production longues, doit fournir des peuplements stables et riches en espèces avec des structures multiples, ainsi que du bois de qualité de différentes essences. Les bases seront ainsi créées pour que les peuplements qui restent après une éventuelle disparition de quelques essences puissent fournir les prestations dont les générations futures auront besoin.
Rapport forestier 2015
Le Rapport forestier 2015 entend renseigner sur l'état de la forêt suisse. Il s'appuie sur les indicateurs standardisés panaeuropéens de Forest Europe et constitue une référence internationale pour la gestion forestière durable. Les bases de données sont issues d'un monitoring complet des forêts, mis en place au cours des dernières décennies. Il permet une analyse approfondie de l'état des forêts. 70 experts scientifiques et praticiens dressent dans ce rapport une rétrospective de l'évolution depuis la parution du rapport précédent, en 2005. Ils répondent aux questions sur cet écosystème complexe et sur sa gestion. Ce rapport donne un aperçu de toutes les facettes de la forêt suisse et sert d'ouvrage de référence pour les spécialistes et les non-spécialistes.
La forêt suisse couvre près d'un tiers du territoire. Elle atteint actuellement 1,31 million d'hectares. Depuis 1995, elle a progressé de 7 %, soit de 82 300 hectares, principalement des terres de l'espace alpin qui ne sont plus exploitées par l'agriculture. Elle apporte de précieuses prestations pour la population, comme la protection contre les avalanches et les chutes de pierres, et peut même réduire les écoulements d'eau. La forêt fournit aussi le bois, ressource renouvelable et durable. Elle est en outre un indispensable habitat naturel de beaucoup d'espèces et un espace de détente essentiel.
Fiche: Des défis importants pour la forêt et ses protagonistes >>
OFEV: Rapport forestier 2015 – État et utilisation de la forêt suisse
