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06. nov. 2017

Jusqu'à présent, le secteur du chauffage est essentiellement influencé par les énergies fossiles. Mais de nombreuses régions d'Argentine ont d'excellents sites pour la construction de centrales électriques sur la base de la biomasse et du biogaz.

Argentine: Les subventions pour les énergies fossiles freinent le marché des pellets

(©BJ) L'Argentine s'étend sur près de 3800 kilomètres du nord au sud: alors que le climat est subtropical dans le nord du pays, le sud de l'Argentine enregistre des températures aussi froides qu'en Europe. Pour le chauffage, le gaz naturel et le gaz liquide sont privilégiés. (Text auf Deutsch >>)


Jusqu'à présent, les pellets de bois constituent un produit de niche – il n'existe pas de constructeurs de chaudières locaux et la structure d'approvisionnement présente de nombreuses lacunes.

Dans le nord du pays, le chauffage est quasiment inutile. C’est aussi le cas de Buenos Aires, où les températures sont douces. En juillet, le mois le plus froid, elles affichent même une moyenne de onze degrés Celsius. Cela correspond au climat printanier ou automnal en Allemagne. Dans le sud du pays en revanche, il peut faire très froid, avec des températures similaires à celles du nord de l'Europe. Ici, on utilise plutôt des chaudières. Le gaz naturel et le gaz liquide sont des sources énergétiques largement répandues, contrairement au mazout. Et les pellets?

Marché de niche
Le marché argentin des chaudières de pellets est «très petit par rapport à la taille du pays et au nombre d'habitants», déclare Gregor Schneitler, responsable marketing de l'entreprise autrichienne Ökofen, qui est active en Argentine depuis 2011. Mais «les chiffres des ventes et l'évolution du marché sont satisfaisants». Gregor Schneitler reconnaît cependant que l'Argentine est, «en raison de la taille du marché et des grandes distances, un marché de niche pour lequel les efforts à fournir sont considérables». Cette situation est aggravée par des restrictions à l'importation et des droits de douane: «Le produit perd ainsi de son attrait financier et souvent, il n’est même pas possible d'importer des chaudières à pellets.»

Des subventions en baisse
À cela vient s'ajouter le fait que les pellets font face à un marché faussé en raison du subventionnement public du gaz naturel, du diesel et de l'électricité. Entretemps, les subventions ont tout de même diminué et les prix de l'énergie s'adaptent lentement à ceux du marché mondial, ce qui favorise petit à petit un intérêt croissant pour les énergies renouvelables.

Néanmoins, les prix de l'énergie varient encore beaucoup selon les régions. «Par conséquent, les pellets suscitent un grand intérêt en tant que source d'énergie là où le prix de l'énergie est élevé et inversement, ils suscitent peu d’intérêt là où l'énergie est bon marché», explique Matias Baumgart, manager chez le producteur de pellets argentin Lipsia. Dans les régions où l'énergie ne coûte pas cher, personne ne pense à utiliser des sources d'énergie alternatives comme les pellets en bois.

Uniquement dans les régions sans approvisionnement en gaz naturel
«Les pellets en bois sont recherchés uniquement dans les régions sans approvisionnement en gaz naturel où des pellets sont disponibles», souligne Gregor Schneitler, de la société Ökofen. Dans de nombreuses régions, le pétrole, le gaz liquide et l'électricité sont actuellement plus onéreux que les pellets. Le gaz naturel reste en revanche moins cher que le combustible renouvelable. Mais dans l'ensemble, les pellets sont peu connus. Pour l'instant, il ne s’agit pas d'un combustible courant en Argentine. Depuis quelques années seulement, il est possible d'acheter des sacs de pellets dans certains points de vente comme les magasins de bricolage, mais l'approvisionnement en pellets est loin de couvrir l'ensemble du territoire. «C'est un obstacle considérable pour l'évolution du marché dans le domaine des centrales de petite puissance», constate-t-on chez Ökofen. C'est pourquoi les chaudières à pellets sont majoritairement installées dans le cadre de projets de grande envergure. Il n'existe pas encore de producteurs locaux de chauffages ou de chaudières à pellets, étant donné que le marché est encore très petit et que la production n'en vaut donc pas la peine. Le producteur de pellets Lipsia, par exemple, importe des poêles d'Italie (Palazzetti), des chaudières d'Autriche pour des puissances moyennes (Ökofen) et des chaudières d'Allemagne pour des puissances plus élevées (Heizomat).

Production locale
Le producteur Lipsia est issu de l'exploitation forestière, cultive près de 9000 hectares de forêts et s'est spécialisé en 2007 dans la production de pellets à base de matières résiduelles de l'industrie du bois et dans l'installation d'équipements correspondants tels que les poêles et les installations de chauffage. La production locale est majoritairement consommée dans le pays, seule une petite part de pellets sont exportés, principalement vers l'Italie. L'Argentine n'importe pas de pellets.

Avec 120’000 tonnes par an, la quantité de pellets produite est raisonnable, elle augmente lentement avec la croissance du marché. «Ce processus est quelque peu fastidieux car en Argentine, il n'existe pas de bonnes possibilités de financement qui pourraient inciter à investir dans la production ou la consommation», poursuit Matias Baumgart, de Lipsia. L'État ne fournit aucune aide économique pour la production ou l'utilisation de pellets.

29.4 millions d'hectares de forêts
Le pays a pourtant beaucoup de forêts. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), près de 29.4 millions d’hectares sont boisés en Argentine, soit 10.7 pour cent de la superficie du pays. 1.7 million d’hectares sont encore classés en tant que forêt primaire. Le secteur forestier argentin représente, avec une création de valeur de près de 2.1 milliards de dollars US, une part d'environ 0.5 pour cent du produit intérieur brut. Selon les informations de la FAO, près de 70‘000 personnes sont employées dans le secteur forestier.

Mais les surfaces boisées ont encore rétréci récemment: entre 1990 et 2010, l'Argentine a perdu environ 16 pour cent de son couvert forestier. D'un point de vue historique, les forêts ont même été décimées de façon massive. Selon WWF, 105 millions d'hectares étaient boisés sur la base d’un recensement des superficies réalisé en 1914.

Intérêt économique modéré pour des forêts en bonne santé
Les forêts argentines sont surtout exposées à deux risques. D'un côté, de grandes surfaces sont érodées pour faire de la place pour la culture du soja. Deuxièmement, de nombreux arbres sont victimes de la demande de viande argentine, car l'élevage des bœufs demande beaucoup d’espace. Étant donné que l'énergie du bois ne joue pratiquement aucun rôle dans le pays, l'intérêt économique pour des forêts en bonne santé est très faible.

Mais les énergies renouvelables gagnent lentement de l'importance. «Depuis une dizaine d'années, on constate une prise de conscience dans la société argentine en ce qui concerne l'utilisation des ressources», a récemment constaté la Chambre de commerce et d'industrie germano-argentine.

Mix d'électricité national
Dans le mix d'électricité, la part des énergies renouvelables est jusqu'à présent dérisoire, mis à part l'énergie hydraulique qui a toujours été importante et qui représente un quart de ce mix. Les «nouvelles énergies renouvelables» représentent actuellement seulement 1.8 pour cent de la production totale d'électricité en Argentine. La majorité du courant est produite à base d'énergies fossiles, les trois centrales nucléaires du pays représentent seulement cinq pour cent de la production nationale d'électricité.

Jusqu'en 2016, il était prévu, conformément à la loi argentine de 2006 sur les énergies renouvelables, que la part d'électricité écologique passe à 8 pour cent. Mais étant donné que la politique ne s'est pas suffisamment engagée en vue d’atteindre cet objectif, la Chambre des députés a été contrainte d'adapter la loi en septembre 2015; le nouveau délai est désormais fixé à fin 2017. De plus, la loi a été complétée; jusqu'en 2025, la part d'énergies renouvelables dans le mix d'électricité doit passer à 20 pour cent. Pour atteindre cet objectif, le pays va désormais faire des appels d'offres pour une capacité de 10‘000 mégawatts à base d'énergies renouvelables. Le premier appel d'offres émis par le ministère argentin de l'énergie et des mines englobait déjà 600 mégawatts d'énergie éolienne, 300 mégawatts d'énergie solaire, ainsi que 65 mégawatts de biomasse, 15 mégawatts de biogaz et 20 mégawatts d'énergie hydraulique. Actuellement, l'Argentine dispose d'environ 800 mégawatts d'énergie éolienne.

Le secteur du chauffage fortement marqué par l'énergie fossile
Jusqu'à présent, le secteur du chauffage est essentiellement influencé par les énergies fossiles. Dans l'industrie, la chaleur est produite avec du mazout, du gaz, de l'électricité et du bois de chauffage; il existe aussi quelques installations de cogénération. Le chauffage urbain est pratiquement inconnu. Chez les ménages, la production de chaleur à l'électricité augmente, ce qui explique la hausse de la consommation d'électricité dans le pays: au cours des dix dernières années, la consommation d'électricité a augmenté de 30 pour cent en Argentine.

L'Argentine est ainsi devenue de plus en plus dépendante de l'énergie provenant de l'étranger. La Chambre de commerce et d’industrie germano-argentine a récemment dressé le bilan: en l'espace de neuf ans, les importations d'énergie primaire vers l'Argentine ont été multipliées par cinq, voire plus. Entre 2012 et 2014, les importations de charbon et de pétrole ont doublé.

Financement incertain des ressources de gaz de schiste
Pour la Chambre de commerce, la production d'énergie à base du gaz de schiste local – après la Chine et les États-Unis, l'Argentine dispose des troisièmes ressources mondiales – ne constitue pas une option, tout du moins pour le moment: «Actuellement, l'exploitation de ces champs de gaz et d'huile de schiste ne peut pas, en raison du financement incertain et des coûts de production, être considérée comme une vraie solution pour résoudre la crise énergétique actuelle.»

Réduire les importations d'énergie avec du bois
Le bois pourrait en revanche contribuer à réduire les importations. La Chambre de commerce chiffre le volume total de la biomasse disponible pour l'exploitation énergétique et résultant des forêts naturelles et cultivées à 143 millions de tonnes par an. Elle évalue les produits secondaires de l'industrie du bois à 2.7 millions de tonnes par an. À cela vient s'ajouter, dans les lieux de culture d'olives et de sucre de canne, la biomasse énergétiquement exploitable avec une quantité respective de 2.5 et 3.4 tonnes par hectare et par an.

«De nombreuses régions d'Argentine ont d'excellents sites pour la construction de centrales électriques sur la base de la biomasse et du biogaz obtenus à partir des déchets de l'industrie agricole», conclut la Chambre de commerce. Étant donné que de nombreuses parties de l'Argentine disposent encore d'un faible réseau électrique, le potentiel se trouve surtout dans des solutions décentralisées. 124 millions de tonnes de la biomasse sont potentiellement économiquement exploitables. Selon la Chambre de commerce, cela correspond environ à la moitié de la demande interne d'énergie primaire et «c'est un signal clair que le pays dispose d'un potentiel d'énergie encore inexploité en matière de biomasse.»

Les obstacles
Mais où sont les obstacles? D'un côté, il s'agit des énergies conventionnelles dont le prix est toujours artificiellement bas. «Une caractéristique du secteur de l'énergie est son subventionnement important par rapport à la moyenne internationale», écrit la Chambre de commerce. Dans le cadre de divers sondages, «tous ont indiqué les prix bas de l'énergie produite de manière conventionnelle comme obstacle à l'évolution du marché en matière d'exploitation de la biomasse et du biogaz». Parmi les autres freins, on mentionnera un manque de connaissances, l'absence de projets de référence, un manque de crédibilité après le lancement de plusieurs projets qui n’ont pas fonctionné dans le passé, un soutien public insuffisant ainsi que l’absence de volonté politique de faire progresser l'évolution de la branche.

Premiers fabricants de chaudières, tuyaux, etc.
Toutefois, il existe déjà quelques fournisseurs locaux sur le marché des installations de biomasse et de biogaz, à savoir des fabricants de chaudières, de tuyaux, d'appareils de mesure et d'autres équipements. Malgré toutes les difficultés rencontrées dans ce secteur, les entreprises sont optimistes, affirme la Chambre de commerce et d’industrie. Selon elle, une baisse des subventions sur les prix de l'électricité et du gaz aurait un effet positif pour la bioénergie car les investissements deviendraient de plus en plus intéressants en terme de rentabilité.

©Texte: Bernward Janzing

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